jeudi 25 août 2011

Le barbecue au bord du fleuve


Un lundi de juillet, j'invite quelques collègues et amis aoûtiens (voire pour certains, carrément abstinents des vacances) à profiter de ce grand luxe de ma vie banlieusienne : le barbecue. Une astuce aussi pour appâter les habitants du petit P. jusqu'à ma capsule spatiale au bord de la N7.

Derrière la maison


Tout doit tenir dans une cour grande comme un mouchoir de poche, derrière une véranda aux carreaux verts cassés. Le long du grillage, entre la rue et la cour s'étend une bande de terre, de pas plus d'un mètre de large sur quatre de long, que ma voisine Mélanie a transformé en jardin avec un petit j. Quand même, les pieds de tomate y poussent comme des haricots magiques, s'étirent vers les nuages le long des piquets de fer. Les fruits commencent à rougir et l'on en cueille une poignée, assez pour accompagner les premières gorgées de bière.

Ils arrivent, les gens. Les yeux qui roulent en découvrant l'arrière de cette maison à la façade noircie par les gaz d'échappement. Chacun dépose sa contribution, contenue dans un sac aux couleurs du super choisi : des bières allemandes, de la bidoche pour les brochettes, des merguez, des légumes (tiens pourquoi pas), des fraises, encore quelques merguez.

Je retrousse mes manches, il faut y aller. Les pépites de charbon de bois tintent en chutant du sac. Là, ça devrait suffire. Je souffle. J'attrape le calendrier géant qu'on m'avait offert en janvier et dont je viens enfin de trouver l'utilité : sous l'action de l'éventail improvisé, la braise rougit, contamine chaque morceau de charbon. C'est parti. J'intronise T. pour qu'il tienne le feu pendant que je me démène ailleurs, une bière à la main que je pose, perds de vue, confonds avec la bière d'un autre. Mais ça coule, pareil.

La Paulaner dans le gosier, on commence à mâcher les brochettes presque cuites ou déjà un peu charbonnées. N. les a patiemment épicées au Ras el Hanout et aux herbes. Ca n'empêche pas la moutarde ou le ketchup, entre deux tranches de pain. T., qui réserve ses pulsions agressives pour les végétaux, se contente de poivrons, de tomates et de champignons.

Un peu coincés sur la surface de béton, on tient tous là au prix de quelques acrobaties, à se raconter doucement nos vies sociales entre deux chips, nos boulots, nos errances, à rouler des épaules ou gonfler la poitrine, à se sourire et se blaguer. Dans le cocktail bien tassé, on trouve une famille coréenne, un teuton mangeur de légumes, une nordiste fraîchement arrivée de Belgique, une chercheuse marocaine, une voisine de Perpignan...et ma pomme. Pour ce petit monde, ça sent comme les vacances, juste là au bord du fleuve de bagnoles. Et pour ne pas l'entendre le flux automobile, on a sorti le radio-cassette à la papa qui crache du jazz bien cool.

Le chat des voisins


Par l'odeur de merguez alléché, voilà le chat blanc des voisins qui ramène son museau taché de noir. Il se faufile dodu mais souple sous le grillage. Ses miaulements réclament son dû, sa part de félin parasite. Oh la mauvaise surprise : les enfants de Mowgli lui mettent sous le nez des morceaux de champignon grillé. Alors il fait la moue, se cache sous une des chaises en plastique blanc et commence à sortir les griffes. Ca suffit pour que les petits d'homme se décident à fiche la paix au fauve.

La nuit est bien tombée maintenant. Sans s'en rendre compte, on a laissé les braises refroidir et les quelques brochettes restantes sur la grille ne sont que tièdes. Un sweater sur le dos, on goûte en silence les fraises trempées dans le sucre. Quelles sont les meilleures ? Celles du Franprix ou la production locale, juste à nos pieds ?

Le parisien se dit qu'il va devoir rentrer. Il lève le nez au ciel, entre les fils électriques. “Dis donc, on voit les étoiles, ici.”.

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