mercredi 27 juillet 2011

L'Institut Robert Brulais. Ou IRB.


Une masse sombre masque le soleil sur le parc des Joncs Soufflés. Amarrée juste en périphérie de Bonmaure, elle semble respirer du souffle rauque et régulier d'un respirateur artificiel. Ce vaisseau immobile et tragique, c'est l'Etoile Noire du centre de recherche contre le cancer. L'IRB ou Institut Robert Brulais. Faisant face au cratère vert du site archéologique, au coeur du parc, les hauts immeubles rectilignes engloutissent la lumière et s'imposent en silence. Pas de panneau géant indiquant la nature du lieu. Pas de fléchage inutile dans les rues adjacentes qui rappelleraient sa proximité. Malgré les formes oblongues de la chose qui mangent le paysage, tous à ses pieds font semblant de l'ignorer. Ils s'adonnent à courir encore un peu, à cultiver des tomates dans les potagers. Ils prennent les restes de soleil dans les chaises longues installées au milieu des carrés de jardins ouvriers, un oeil endormi sur leurs cultures, l'oreille bercée par le chant de l'autoroute A77.



Pauvreté et maladie


J'étais venu une première fois il y a quelques années, pour rendre visite à Y., qui finissait sa thèse sur la maladie et la pauvreté. Où est-ce qu'il en était à ce moment-là ? La pauvreté était une maladie. La maladie, un appauvrissement. Les deux peut-être ? Ou ça n'avait rien à voir... Je ne comprenais déjà pas grand chose à rien. Toujours est-il que la recherche contre le cancer fournissait une partie de son financement et qu'il se retrouvait là, sur le vaisseau amiral de la lutte contre le corps qui déraille. Contre le corps qui marche trop bien et donc de travers. Ca lui faisait un petit répit de se retrouver au milieu des blouses blanches, après avoir côtoyé les pouilleux, dans les foyers où l'on cache la crasse misérable qui enlaidit la grande ville. Des lieux discrets, peu signalés, en périphérie là aussi.

Respirer


Aujourd'hui j'y reviens pour y prendre un peu d'air. Pour me mettre à l'écart des particules lourdes et du cocktail de vapeurs toxiques qui émanent de la N7. De ce ruban dense entremêlé d'activités industrielles et de pavillons qui suit le fleuve routier. Parce qu'au moins là, ça ne dérange personne. Il faut que je respire, donc. Que je voie du vert, que je renifle les fleurs et le vent sans l'huile de moteur. Même entre deux autoroutes, je crois sentir mes bronches se rouvrir à transpirer dans les allées du parc.

Le caché


J'ai fumé hier. Avant-hier aussi. Oh très peu. C'est que j'ai dû acheter un nouveau cendrier. L'ancien, celui hérité de mon grand-père maternel n'a pas survécu au déménagement. Je n'ai pas gardé les morceaux. En vitesse je vous fais un dessin. Voilà c'est comme ça, un objet kitsch en céramique colorée, où l'on dépose les cendres au centre d'un plan d'eau. Aux pieds d'un pêcheur qu'on affuble d'une paille ou d'un brin d'herbe, en guise de canne. Il aimait aller pêcher mon grand-père, y passer des après-midis, pendant lesquelles moi petit garçon je m'ennuyais délicieusement. Ce n'est pas la pratique de la pêche qui l'a tué. Alors ce cendrier, c'était comme un rappel morbide, du coût d'une bouffée de mauvaise cigarette bourrée d'ammoniac. Ca ne m'avait jamais empêché de savourer le parfum d'une feuille de tabac. Mais ça me rappelait le prix de la vie.

Ca me rappellait ce qui est caché, cet envers du décor qu'on cherche à oublier. Parce qu'on a bien le droit à l'insouciance. Ou bien qu'un autre “on” cherche à nous faire oublier. Parce que "on" a des intérêts à défendre.

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