lundi 25 juillet 2011

Le mystère des auberges coréennes: la geste inutile du preux cosmonaute


Ca a commencé comme ça : un matin au métro Jean-Jacques Rousseau, une asiatique qui tire à bout de bras une énorme valise, encombrée par ailleurs de cabas estampillés Vuitton, Prada et consorts. Comme le train arrive la voilà qui panique, son appareil photo lui saute des mains telle une savonnette.
Un jeune type ramasse le numérique et lui tend avant de monter dans la rame. Sourire aux lèvres, je viens vite-vite et lui propose mon aide, empoignant d'office sa valise pleine à craquer. Ouf. La main devant la bouche, gloussant des remerciements confus, elle continue à s'affoler une fois hissés dans la rame. Je la trouve belle avec ses longs cheveux ébouriffés. Ces attitudes orientales faites de précautions dont on joue pour dire sans en avoir l'air...me ravissent. Il faut savoir lire un sourire interrompu d'un éventail de doigts fins.

Pour cette étudiante, c'est la panique. Elle veut savoir l'heure qu'il est, scrute affolée le plan de réseau minus juste au-dessus d'une dame en tailleur un rien vexée qu'on zyeute le haut de son crâne. Moi, tout sourire : “Where do you come from?”. Elle vient de Corée. Comment dit-on “Olala” en coréen ? Son avion décolle à midi de Roissy. Et il est déjà dix heures. Elle m'explique qu'elle est sortie hier, très tard. Et qu'elle a carrément oublié de se réveiller ce matin, dans son auberge de jeunesse à Bonmaure. C'est à dire à l'extrémité opposée de l'aéroport. Qu'est-ce que je peux lui dire d'autre ? Qu'elle a peu de chance d'avoir son avion, que c'est très dommage et qu'à la fois, si elle reste quelques jours de plus je l'inviterais volontiers à dîner. J'oublie pour le dîner. Peut-être en taxi ? Suggère-t-elle. Je hausse les épaules, je ne veux pas la contrarier. Elle peut toujours essayer. Alors, il faut descendre ici!
Vite!

Olala. On court, je descends avec elle. Nous sommes maintenant dans la ville la vraie, là elle devrait pouvoir attraper un taxi. Ou un missile sol-sol. Ou un tapis-volant. Les muscles de mes bras se tendent joyeusement, à soulever la valoche bourrée j'en suis sûr de souvenirs pour toute la famille. Et sûrement aussi de toutes sortes de fringues imprégnées du parfum érotico-chic de la ville de l'amour et de la mode. Sur le boulevard, je la rassure. Je contiens mes airs rigolards, appelle un taxi qui ne tarde pas. Elle me courbette des merci, s'engouffre dans la voiture et s'envole dans un nuage de fumées carbonées.

Voilà. J'ai fait l'employé buissonnier pour mettre dans un taxi une touriste coréenne jolie comme un coeur. Qui va manquer son vol pour Séoul. Et que je ne reverrai jamais. Encore une journée de faite pour un cosmonaute idiot.

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