vendredi 18 février 2011

Au Purple, le pub portugais


C'est un samedi après-midi. Passé entièrement en périphérie Sud. Couché trop tard, il a fallu aussi que je sacrifie au rituel de la laverie. Et pendant que mon linge tourne, je vais prendre mon déjeuner de quatre heures. Au turc. Je me tape une bonne assiette de kebab. Salade: oui. Tomate: oui. Oignons: oui. Ketchup, huile: beaucoup. Puis je tâche de faire descendre le tout, à coup de thé glacé en boîte. C'est là qu'un vieux jovial se radine. Il baragouine des turqueries que je comprends pas. Je saisis quand même qu'il revient du café. Il s'adresse à moi, va savoir. Il m'explique : “j'ai pris deux cafés”. Ah... “Au portugais, là au coin, ya nouvelle serveuse brésilienne” Et il dessine de ses mains une poitrine généreuse. “Tlès, tlès belle. Il faut y aller ! Et il faut toucher aussi hein ...”. C'est décidé, je lâche les euros dans la pogne boudinée du fils du patron. Il est tout en rond celui-là; on voit bien qu'il mange pas que des oignons, des tomates ou de la salade. Techerkul! Et je file, sur les indications du vieux.


Laïla
Au coin de la rue un peu plus bas, je pousse la porte du Purple. Elle est là derrière le comptoir, la jolie métisse à mater. “Au Brésil, on parle comme on chante”. Mais elle chante surtout Laïla, tout le temps. Une voix suave et doucement joyeuse. Pendant ce temps les piliers du troquet lui disent qu'elle est belle, parlent de la pluie, du beau temps, lui demandent si elle va sortir ce soir. Elle leur donne ce sourire tranquille de la biche sereine au milieu des vieux lions fourbus. Elle ne leur en veut pas de rester là à tremper sa beauté de caramel moiré dans leur café noir. De se noyer les yeux dans son corsage un peu plus à chaque gorgée de bière. “Ils sont gentils” qu'elle dit. Elle leur tape sur les pattes malgré tout quand ils tentent d'ajouter le toucher à la vue. Elle est là, posée, diffusant cette sensualité inattendue au milieu du rade. Une demi-douzaine d'amoureux tous plus ou moins alcoolos qu'elle a.

Je lui demande un Calva avec mon café. Des yeux elle interroge José, un habitué, pour trouver les verres. Un portos comme beaucoup de clients ici, crâne rasé et petites lunettes. Il aligne les whisky-coca avec son pote rasta antillais. Ils font des aller-retours au jukebox du fond de la salle : Alpha Blondy, Diana Ross...Et ça tu connais? Tu te rappelles pas ? Brigadier Sabary!

J'ai traîné un peu, gratté moi aussi quelques souvenirs de radio des années 80 et puis... la lessive m'appelait.




Boa noite Bonmaure
Au Purple, je suis revenu boire une bière, un soir où je devais discuter le bout avec mon proprio et néanmoins ami. A vrai dire, après un bref tour dans Bonmaure, c'était le seul rade ouvert après 21h.

“Dis donc, qu'il me dit Caïn, on dirait un peep show ton truc”. 

Rapport à la couleur. On passe sous l'aubette violette, ça jouait aux fléchettes avec la sono à fond. Des plus jeunes, cette fois. Ceux qui ne jouaient pas s'usaient le coude au zinc. La rétine tâtant tantôt la bouche de Laïla, tantôt dérapant plus bas malgré eux.
Dis, la Sagres, c'est portugais ? Oui, oui. Alors va. Plus tard il me dira, tu sais, la Super Bock c'est bien meilleur. Avec la voix de Laïla dans les oreilles la plus ordinaire des bibines passe, pour moi. Le son monte encore un peu plus : on youtube du reggaeton brésilien : “ela quer dançar”. 

Elle veut danser, Laïla. Et tout Bonmaure avec elle.

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